Trente ans. J'ai passé une bonne partie de l'année à angoisser sur ce chiffre fatidique. Comme si en approcher m'obligeait tout à coup à me mesurer à une certaine idée de ce qu'est être adulte : une carrière professionnelle, un couple installé, une certaine aisance financière, un projet de bébé peut-être. Un côté "rangé", en tout cas. Sur les rails approuvés par la société.
Pola : Féebrile
C'est peu de dire qu'il y a un gouffre entre ce fantasme et ce à quoi ressemble ma vie. J'ai trois ou quatre activités différentes dont aucune, seule, ne me permettrait de vivre, et qui ne correspondent que de loin aux études que j'ai faites. Même si je voulais faire un enfant, je n'aurais pas la stabilité nécessaire.
D'un côté, c'est complètement flippant. Il y a des jours où j'ai l'impression de faire fausse route, où je doute beaucoup. Je parle de mes activités à de nouvelles connaissances, ou sur ce blog, et j'ai l'impression d'être en pleine imposture : hey, vous croyez que j'ai une vie super cool, mais en fait je suis une ratée ! (Ce n'est pas comme ça qu'on appelle les gens qui, à trente ans, n'ont pas encore "réussi" ?) Et puis il y a des jours - de plus en plus - où je vois les choses autrement. Au fond, je m'en fous de ne pas rentrer dans un schéma tout tracé par une société qui ne se soucie pas de mon bonheur, mais uniquement de sa propre stabilité. Je m'en fous de "réussir", tant que je vis.
Pola : Féebrile
Je ne suis toujours pas bonne ménagère ni bonne cuisinière. Je n'ai pas mon permis. Je n'ai pas de salaire fixe, et ma vie sentimentale ne ressemble pas vraiment à un roman-photo de "Nous Deux". Mais il y a des gens qui pensent à moi dans toute l'Europe et au-delà, à qui je peux aller rendre visite quand je veux. J'ai une famille aussi merveilleuse que spéciale, des parents que je ne remercierai jamais assez de leur ouverture d'esprit, et des amis inqualifiables, dont je ne comprends toujours pas très bien ce qu'ils me trouvent (mais je prends, hein !). Je fixe mes propres horaires et je gère mes projets. Et puis, il faut réussir à le faire, gérer toutes ces activités en même temps ET conserver une vie sociale ET garder du temps pour soi (mon conseil : aimer se lever tôt, ne pas se restreindre aux horaires de boulot, refuser de perdre son temps). Etre une femme-orchestre, défricher à chaque fois des terrains que je ne connais pas encore. Si on regarde les choses comme ça, je peux être assez fière de moi.
J'aborde cette nouvelle décennie avec bien plus de sérénité que je ne l'aurais pensé. Et avec une résolution : vivre intensément, avec autant d'honnêteté que possible avec moi-même, et créer ce qui me rend heureuse. Je pense que la trentaine va être une belle aventure.
Et vous, vous pens(i)ez en être où, à vos trente ans ?
